Par Véronique Ithurbide
Albert Serra, réalisateur catalan, filme la lente agonie du Roi Soleil joué par un Jean-Pierre Léaud exceptionnel.
« La mort de Louis XIV » film présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2016 est le quatrième film d’Albert Serra. Déjà son précédent « Histoire de ma mort » en 2013 s’inspirait d’un personnage historique mythique : Casanova et remportait le Léopard d’or du festival de Locarno.
Un tableau vivant
Ce film est un huis-clos tourné exclusivement dans la chambre du Roi durant les deux semaines de son agonie, nous sommes entre aôut et septembre 1715.
La beauté des décors, de la lumière, des costumes, le jeu des comédiens font que l’on ne se lasse pas de cette unité de lieu. Le spectateur a la sensation de figurer dans la toile d’un tableau de maître du 18 ème siècle.
Jean-Pierre Léaud est saisissant dans le rôle d’un homme qui se prépare à perdre la vie dans « la douleur qui gagne le corps et l’esprit, jour après jour, heure après heure et qui règne en maître sur le Roi ». L’agonie est traitée dans le respect de sa chronologie, le réalisateur s’est documenté en lisant les Mémoires de Saint Simon et du Marquis de Dangeau, présents alors auprès de Louis XIV. Le Roi s’affaiblit, la gangrène gagne sa jambe, son médecin Fagon exerce les pleins pouvoirs sur le malade. Il parle de
« ses caprices » auxquels le valet ne doit pas céder, quitte à laisser le Roi réclamer de l’eau la nuit durant…
Au point de lui interdire une de ses uniques joies : la visite de ses chiens, « mes chiens que j’aime tant », unique moment de tendresse qu’on lui refuse.
« Informez moi lorsque vous serez décidé à me soigner » déclare, non sans humour, Louis XIV à Fagon. Enfin, le médecin consent à la visite des médecins de la Faculté et même au traitement insensé d’un charlatan, mais il est de toutes façons trop tard, la gangrène gagnera.
Albert Serra explique que « sa démarche consiste à s’emparer d’une figure légendaire pour la travailler jusqu’à m’introduire dans sa chair ».