par Michel Garibal
Pour la dernière exposition de son mandat Béatrix Saule a réussi un coup de maître. Elle montre qu’au-delà de l’image stéréotypée d’une cour oisive uniquement occupée à se distraire de façon coûteuse, il existait une véritable stratégie de la fête et du divertissement, susceptible de créer une dynamique de l’activité avec des retombées positives sur la conduite du pays.
Divertir pour gouverner était devenu pour Louis XIV un véritable précepte qu’il légua au dauphin, ainsi que le rappelle Catherine Pégard, présidente de l’établissement public du château. Il fallait que l’émerveillement qu’entraînait ce tourbillon de réjouissances se répande sur toute l’Europe pour illustrer la puissance et le rayonnement du mouvement engagé par la France. Et c’est un tour de force de voir avec quel réalisme le visiteur est littéralement pris par la main, comme s’il était non seulement un spectateur, mais aussi un acteur en direct à toute la féérie qui se déroule sous ses yeux, grâce à l’utilisation de toutes les facettes de la technologie contemporaine de l’image et du son, qui permet aussi de mesurer combien ces activités futiles au premier regard, comportaient aussi d’originalité et d’avance sur leur époque par le recours permanent au progrès technique. Le résultat est saisissant, avec la variété des machineries de théâtre ou l’originalité des illuminations dans un univers marqué par la quête permanente de la lumière. Il n’est pas question de laisser passer cette occasion de montrer une fois de plus combien le siècle de Louis XIV était d’une extraordinaire ingéniosité dans cette fabrique du merveilleux qui n’a pas pris une ride.
Le Roi a saisi très tôt le bénéfice qu’il pouvait retirer en accordant des satisfactions à la population qui vivait en grande partie dans une ambiance euphorique au début de son règne. Donner des fêtes, oui, promouvoir des divertissements, bien sûr, mais à condition qu’il ne s’agisse pas d’une activité sans lendemain et banale dans ses effets. Il convenait de montrer que dans ce domaine aussi, l’on était le meilleur. Dans ses mémoires pour l’instruction du dauphin, le souverain souligne combien il faut accorder une large place au divertissement dans l’art de gouverner, pour rendre les choses plus faciles et agréables. « Il faut pour l’extraordinaire des événements royaux, toujours plus de grandeur, de surprise et de fantastique afin d’émerveiller la cour, le royaume, l’Europe ». Le divertissement revêt ainsi peu à peu un aspect institutionnel par son caractère systématique, son organisation et son calendrier, avec pour exigence la qualité. Tout ce qui émane de ce microcosme prend une allure institutionnelle. On s’habitue à imiter dans tous les domaines la promenade, la chasse, les activités diverses tout ce qui vient de Versailles, car c’est le symbole de l’excellence que chacun reprend à son compte.
En définitive, la politique du divertissement était loin d’avoir un caractère futile. Elle a joué un véritable rôle économique dans la mesure où elle a conduit à la création de richesses et à la constitution de corps de métiers exceptionnels dont le rayonnement s’étendait sur toute l’Europe.