Lavandieres et blanchisseuses à Versailles sous la monarchie

Par Claude Sentilhes

A Paris la majorité du blanchissage se faisait sur les berges de la Seine mais Versailles n’avait aucun cours d’eau. Dès l’installation de la Cour il se révéla difficile de trouver des emplacements ayant suffisamment d’eau propre et des espaces pour le séchage qui n’offensent la vue du roi ou de ses courtisans. En 1787, l’inspecteur général des Bâtiments se plaignait des nuisances que provoquaient ces lavandières : « rien n’est plus contraire à la décence et à la salubrité de l’air qui environne le château que les lavoirs qui sont établis en grand nombre sur le canal et la pièce d’eau des Suisse. On ne peut plus se promener aux environs sans être choqué par la vue dégoûtante du linge étendu entre les arbres ». Versailles s’agrandissant constamment, le linge à laver tout autant, ce fut une source de conflits permanents tant la ville manquait d’eau courante.
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Lavandières et blanchisseuses ne lavaient pas le même linge. Les premières s’occupaient de gros linge, linge de maison, nappes, draps, rideaux, torchons, serviettes. Le linge fin, le linge de corps, chemises, culottes, attaches de ruban, manchettes, mouchoirs exigeaient un travail plus délicat qui était de la compétence des blanchisseuses. Il s’y ajoutait les repasseuses, les « empeseurs » chargés d’amidonner les grands cols à la Louis XIII, puis les « cravateurs » et les « rubaniers » au fur et à mesure que la mode évoluait.
A la Cour, deux familles, les Berri et les Luthiers, se répartirent la charge de lavandiers durant quatre générations. Ils logeaient en bas de la rue de la Chancellerie et disposaient d’une eau provenant directement des réservoirs Gobert. Bien d’autres vinrent s’y adjoindre au gré des besoins des courtisans hébergés par le roi.
En ville, les lavandières se disputaient moins la clientèle qu’un lieu de lessive car les lavoirs étaient rares. La recherche était ardue. Versailles manquant de cours d’eau courante, il fallait se contenter des eaux stagnantes des étangs qui ne faisaient pas défaut mais que la ville réduisait et comblait au fur et à mesure de l’extension de son bâti. C’est ainsi que pendant de nombreuses années on vit derrière l’église Notre-Dame, les lavandières du quartier battre le linge sur les berges de l’étang de Clagny. Dès que celui-ci fut comblé, il fallut trouver d’autres lieux.
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Les fontainiers, qui étaient chargés de réguler les débits des eaux des réservoirs, comprirent vite le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer. Ils installèrent des lavoirs forts lucratifs qu’ils louèrent à la journée. Au pied des réservoirs du Montbauron, ce fut un temps le fils Masson avec ses lavoirs qu’il louait à la journée. Au pied des réservoirs en haut de l’avenue de Sceaux, son collègue dénommé Gobert, possédait « un lavoir où plus de cent blanchisseuses venaient
journellement ». En 1768, Pierre Adam fit construire un grand lavoir qui pouvait accueillir « 60 laveuses » en bas de la rue des Réservoirs, en aval de l’abreuvoir qui avait été aménagé en contrebas de la Chaussée qui fermait l’étang de Clagny. En 1763, le sieur Franchet installa le sien aux étangs de Porchefontaine moyennant 171 livres annuelles versées au Domaine. Tous ces lavoirs plus ou moins autorisés furent fermés les uns après les autres, le voisinage se plaignant des eaux savonneuses croupissantes, répandant alentour « une puanteur insupportable au point d’infecter l’air ».
Plus discrètement, les blanchisseuses lavaient le petit linge à domicile. Elles le faisaient bouillir dans de grandes cuves en bois comme en témoigne la peinture de Chardin, et le saupoudraient de cendres. C’était plus cher mais le linge plus blanc. Elles travaillaient de concert avec une repasseuse, et des hommes de main pour le transport de l’eau et du bois. Le problème restait le séchage.
Car il y avait disette de lieux pour faire sécher le linge. Les lavandières refusaient de transporter trop loin le linge mouillé et lourd. Elles estimaient que les contre-allées des avenues étaient l’endroit idéal pour étendre leur lessive. Des ordonnances furent promulguées pour préserver ces avenues et principalement l’avenue de Paris :
« Nous défendons à tous blanchisseurs et autres d’attacher des cordes aux arbres des contre-allées sans une permission expresse à peine de confiscation du linge et 20 livres d’amende ». Le sieur Durant, le nouveau fermier du lavoir de Porchefontaine, soutint alors qu’on ne pouvait aller contre la coutume et que « les lavandières avaient toujours fait sécher leur linge avenue de Paris ». Il lui était reproché que la contre-allée était entièrement « couverte de cinq rangs de perches qui interceptaient le passage et approchaient du grand chemin central, pouvant exposer les chevaux ombrageux à occasionner des accidents ». A leur tour, les tantes célibataires de Louis XVI qui avaient installé leurs belles résidences secondaires sur l’avenue de Paris, trouvèrent « fort déplaisant et offensant pour leur modestie l’exposition de leur linge intime ». Le problème ne fut jamais résolu, et aux dernières années de la royauté il était encore rapporté qu’à Versailles, « il n’y a pas un endroit où une blanchisseuse puisse laver un chiffon »!
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