Le calvaire des lépreux en bordure de l’étang de Clagny au XVIIe siecle

par claude Sentilhes

Bien avant le lycée Hoche et l’ancien hôpital Richaud, il existait en bordure du grand étang de Clagny une maladrerie destinée à accueillir les lépreux

L’abbé Leboeuf en parlait ainsi en 1750 : « Il y avait autrefois une léproserie comme dans les campagnes. Elle était sur pied en 1350. Les villages qui avaient droit d’y mettre leurs malades, outre Versailles, étaient Chaville, Viroflaiy, Montreuil, Chesnay et Rocquencourt. Ses biens consistaient en quelques terres situées à la Bretonnière, à la Boissière, à Glatigny, avec des vignes à Sèvres et à Bougival. » En 1503, 1518 et 1525, l’évêque de Paris y nomme des administrateurs. La maladrerie dépendde la paroisse de Montreuil et le seigneur de Porchefontaine lui verse régulièrement quatre minots de seigle. Aucun plan ni carte anciens ne permettent de la situer avec précision. Mais trois textes différents la placent entre Montreuil et Versailles, au pied du Montbauron et près du grand étang de Clagny, soit approximativement entre le Lycée Hoche et le site de l’Hôpital Richaud, au nord de l’ancien chemin de Montreuil, devenu l’avenue de Saint Cloud.

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La lèpre est durant plusieurs siècles une des grandes terreurs collectives. Déjà identifiée chez les Hébreux et les Grecs, son extension se fait à travers le bassin méditerranéen avec l’essor de la navigation puis le retour des croisades, pour atteindre son apogée en Europe aux 12° et 13° siècles. La contagiosité était déjà perçue mais sans en connaitre les modalités. Faute de traitement et épouvantée par les lésions spectaculaires et monstrueuses, la population organise une exclusion des lépreux qui s’apparentait à une mort civile.
Au XII° siècle ces malades sont désignés sous le nom de « ladres ». Les ladreries ou maladreries se multiplient à distance si possible des villes. Le ladre ne peut en sortir, ni se marier, ni laver son linge dans l’eau courante et encore moins commercer et quand il se déplace il doit se signaler en agitant une crécelle.

« Tous les ladres deviennent trompeurs, furieux, lubriques »

Au plus fort de la Terreur, la condamnation à l’enfermement donne lieu à une effrayante cérémonie. Après une brève exhortation à se résigner à la volonté de Dieu, le lépreux sous un drap mortuaire assiste vivant à ses obsèques pour être enfin conduit en procession à la maladrerie. Là, agenouillé, il reçoit une pelletée de terre en même temps que l’officiant le déclare mort au monde. Il reçoit une robe de ladre de couleur, des sandales, une crécelle et des gants pour ne toucher qui ou quoi que ce soit. Puis on lui lit ses interdictions dont celle de parler à quelqu’un à moins de six pas et en se mettant sous le vent. Après quoi il est abandonné. Beaucoup préfèrent à l’enfermement, errer, mendier et s’en remettre à la charité publique. Parfois ils se regroupent et forment des hordes de gueux dont la violence était redoutée. Ambroise Paré au XIV siècle écrivait : « Tous les ladres deviennent trompeurs, furieux, lubriques ».

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Au 15e et 16e siècles, le développement de l’hygiène et les mesures de prévention raréfient la maladie, les maladreries presque désertes disparaissent ou se transforment en infirmeries. Au 17e siècle, en décembre 1672, Louis XIV réunit les deux ordres de Saint Lazare et du Mont Carmel et leur accorde la gestion des dernières léproseries qui persistent. En 1676, il fait détruire la maladrerie de Versailles ou ce qu’il en restait. Peu de temps auparavant il avait créé vers 1670, une sorte de dispensaire sous la direction de Filles de la Charité près de la rue de la Paroisse puis du marché Notre-Dame. Il est transféré en 1693 à l’emplacement de notre ancien hôpital, rue de Bourbon, actuelle rue Richaud, sans doute à proximité de l’ancienne maladrerie. En 1720 la maison de charité est transformée en Hôpital Royal.

Aujourd’hui, nous savons que la lèpre est une maladie infectieuse finalement peu contagieuse, due à une mycobactérie, le bacille de Hansen. Elle se transmet essentiellement par les voies respiratoires, jamais par contact. Elle est curable généralement en moins d’un an par des traitements antibiotiques. Elle persiste malheureusement encore à l’état endémique dans plusieurs pays sous-développés mais va donner lieu à une série de conférences à Paris et en province cette année.

 

Sources : Manuscrit 14°S. Histoire du Diocèse de Paris par Jean Leboeuf. Université de Gand. (Wikipédia). Versailles aux temps féodaux. Maquet Adrien. P.47. 1889. Nouvel itinéraire de Paris à Versailles. M.Becker.1837. Gallica. P.211.

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